Vendredi 2 août au matin.
Moi qui ai d’habitude beaucoup de mal à sortir du lit une fois que le réveil a sonné (il faut parfois qu’il sonne une bonne douzaine de fois pour que je daigne tendre une jambe hors du drap), je suis cette fois bien lucide, une heure avant mon réveil habituel.
Je n’arrive plus à fermer les yeux. Je décide donc de me lever et de prendre le temps de savourer mon petit déjeuner.
Ici, j’ai gardé l’habitude du petit déjeuner à la française (alors que les indiens mangent l’équivalent du déjeuner le matin : chapatis, haricots, riz). Je me prépare donc deux toasts beurrés ainsi qu’un bon thé à l’indienne (j’en ramènerai à ceux qui le souhaite, je n’ai jamais gouté d’aussi bon thé qu’ici).
Le chant du Muezzin me berce , comme à son habitude. Je sais que dans une heure et quart exactement je pourrai l’apercevoir à travers la petite fenêtre de ma cuisine, flânant dans les rues et appelant ainsi à la prière du matin.
Tout à coup, je me rends compte que dans deux semaines je ne l’entendrai plus. Mon cœur se serre soudainement. Qu’avais-je l’habitude de faire le matin lorsque j’étais en France ? Me contentais-je de déjeuner sans rien dire ?
Je bondis dans ma chambre et attrape mon ordinateur : s’il y a un moyen de télécharger sur internet les chants du Muezzin, il faut que je le trouve !
Je me rétracte assez rapidement. Autant profiter de ce chant pendant que j’en ai encore l’opportunité.
8h45 : je le regarde passer dans ma rue.
Point culture G : Le muezzin est choisi pour sa voix et sa personnalité, il est le membre de la mosquée chargé de lancer l’appel à la prière au moins cinq fois par jour (la tradition veut qu’il le fasse au sommet d’un minaret). Il ne reçoit pas de salaire, il doit être debout en direction de la Mecque (la Ka’ba) , doit tourner son corps de droite à gauche, doit hausser la voix pour être bien entendu .
Mon chauffeur va arriver. Il faut donc que j’arrête de rêvasser et me prépare pour aller travailler.
J’ai perdu l’habitude de mettre les vêtements de ma mère pour aller au bureau – maintenant c’est pantalon ample, ballerines et un haut simple. J’y vais même parfois en jean et débardeur, cela ne gêne personne.
Une fois dans la voiture, c’est le son des klaxons qui s’offre à moi. Il faut savoir qu’en Inde, on utilise pas les rétroviseurs, certaines voitures en sont même dépourvues. Ici , tout le monde klaxone sans arrêt : pour avertir de son arrivée lors d’un croisement , pour dépasser une autre voiture, pour prévenir un piéton, pour se plaindre de la lenteur de la circulation...
Encore une fois, mon cœur se serre. Ce brouahah constant qui me déplaisait au début est aujourd’hui quelque chose de commun pour moi. A quoi ressemble la circulation en France ? Cela doit sembler fade et monotone. Que vais-je pouvoir observer par la fenêtre de la voiture lorsque je traverserai ma petite ville tranquille de Montélimar ?
Mon arrivée au bureau est toujours bien reçue. Tout le monde sourit et me salut. Ceux qui ne m’ont jamais vu , me demandent d’où je viens, ceux qui m’ont déjà vu , me demandent comment je vais.
Je me sens bien, et déjà nostalgique alors même que je suis toujours là. Je sais déjà que ce soir, j’irai , comme beaucoup d’autres soirs, écouter les chants qui ont lieu dans le temple hindou à côté de chez moi.
Soudain, je me rappelle d’une chose: le matin, en France, j’avais pour habitude de regarder la télévision en mangeant mon toast au beurre. Cela m’effraie tout à coup. Je n’ai pas vu une télévision depuis deux mois. Mais ai-je vraiment envie de la regarder plutôt que d’écouter le chant du muezzin ?
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RépondreSupprimerC'est si poétique tout ça Julia. T'as déjà la nostalgie du départ à J-15.Profite encore de toutes ces belles expériences et rencontres, pense aussi au futur et à toutes celles qui viendront après.
RépondreSupprimerbises