Impossible de trouver le sommeil, il est déjà 3h30 et je tourne et re-tourne dans mon lit depuis maintenant trois bonnes heures.
Plus que deux petits jours, et qui sait quand je reverrai l’Inde à nouveau ?
J’ouvre la fenêtre de ma chambre, il pleut à grosses gouttes. J’oublie mes bonnes résolutions et allume une cigarette. Mon crâne me fait terriblement mal. Je crains une nouvelle montée de fièvre.Où peut-être, ai-je envie d’une nouvelle montée de fièvre...? Une fièvre qui me retienne ici encore quelques jours de plus.
Un singe vient se poser sur le rebord de la fenêtre à côté. J’ai l’impression qu’il me regarde. Mais lorsqu'on est mélancolique, on a le sentiment que même l’herbe essaie de nous communiquer un message.
J’ai souvent entendu dire « L’Inde, on l’aime ou on la déteste ».
Je ne crois pas que cette phrase soit juste. Le plus exact serait de dire « L’Inde, on apprend à l’aimer ».
Les premiers jours sont les pires (souvenez vous de mes premiers articles) : la moindre différence nous effraie, le moindre regard nous donne le sentiment d’être persécuté. On se sent arnaqué par tous les indiens, on ne sait pas quoi manger. La pauvreté nous accable de culpabilité. On n'ose pas mettre un pied dehors. On ne se sent pas en sécurité.
Puis, un matin, on franchit le seuil de la porte, on lance une pomme au petit habitant qui vit devant le portail, on salut le maître du temple hindou voisin, on prend des nouvelles du vendeur de tabac. On se fait offrir un chaï par la pharmacienne du coin. On ferme les yeux et se rend compte que l’on peut ainsi traverser tout le quartier sans risque. On se sent, en sécurité. Plus que tout, on se sent important et apprécié.
« L’Inde est le pays d’Asie qui n'a rien à voir avec le reste des pays d'Asie », voilà ce que je n’ai cessé d’entendre de la part de divers voyageurs, mais aussi des expatriés qui ont décidé d’y faire leur vie.
L’avantage de l’Inde, c’est qu’on peut y vivre à l’occidentale, tout en ayant la possibilité de se rappeler constamment pourquoi on a fait le choix de ne pas vivre en occident.
Les indiens sont polis, chaleureux et si souriants. Comment ne pas se prendre d’affection pour leurs regards ténébreux ; un regard qui vous prend les tripes et peut vous empêcher de dormir parfois pendant des heures ...
Un bruit dans la cuisine me ramène à la réalité. Je jette ma cigarette pour aller voir ce qu’il en est. La, je la vois, cette petite souris qui fait des dégâts dans la cuisine depuis bientôt plus d’un mois. Elle ne bouge plus, comme si elle savait qu’elle n’avait plus à avoir peur de moi car mon départ est imminent.
Pendant plusieurs semaines, j’avais prié Ramu de mettre des pièges à souris partout, mais il n’avait jamais pu s’y résoudre – « réincarnation », me chuchotait-il. On ne tue pas les animaux ici, on les met à la porte. Rien de moins évident dans le cas d’une souris.
Du coup, j’avais appris à vivre avec, en prenant l’habitude de marcher avec des pas très lourds dans tout l’appartement , comme pour l’avertir de mon arrivée .Bien souvent, je la voyais défiler à toute vitesse entre mes jambes. Aujourd’hui, elle préfère me regarder. J’éteins la lumière. Tant pis, il va falloir une autre cigarette.
Le singe est toujours là. Je ferme les yeux et pense alors très fort au concert d’Eminem qui m’attend. A mon vol pour Ibiza. Mais cela renforce tout à coup ma culpabilité. Je fais le calcul, une place pour le concert d’Eminem revient à plusieurs mois de salaire pour un Indien moyen. Puis, je pense à ma famille et mes amis et j'ai soudain hâte de rentrer.
Il est maintenant 4h30 du matin. Je lance ma série préférée, dans l’espoir de faire cesser toute réflexion cérébrale.
Je me rassure en me disant que bientôt ces moments seront loin derrière moi, je cesserai de culpabiliser, je retrouverai mes anciennes préoccupations (que vais-je porter aujourd’hui ? comment maximiser mon bronzage ? ce jean me va t-il bien ? quel sera mon prochain stage ? vais-je avoir une bonne note à mon prochain contrôle ?) et ce voyage n’aura rien changé. D’ailleurs, comment deux mois passés à l’étranger pourraient –il changer une vie ? ça n’arrive jamais ce genre de chose !
Et puis l’instant d’après, je m’en veux d’avoir même tenté de me rassurer ainsi.
L’Inde est un pays magnifique, à tout point de vu. Je conseillerais à n’importe qui de venir y voir ses temples, ses forts, ses jardins, ses danses, ses cuisines et ses habitants.
Lorsqu’il faut la quitter, on inspire alors un grand coup et , comme à la fin d’une belle histoire d’amour, on se convint que cela marque le début de nouvelles aventures.
Ma chère Julia, c'est trop beau la découverte que tu as fait, ne penses pas qu'elle ne va pas changer ta vie. Elle va rester dans ta conscience et ta mémoire pour t'aider à prendre du recul face à certaines situations personnelles et professionnelles dans la vie. Tu te diras quand tu seras malheureuse qu'il y a des personnes qui sourient en Inde tout en ayant beaucoup moins que toi de TOUT (richesse, santé, chance..) et qu'elles te donnent de loin une leçon de vie. Tu as la chance d'avoir déjà ça en toi. A très bientôt, j'ai hâte de t'embrasser,
RépondreSupprimeret arrête de fumer, quand même!
une si jolie fille comme toi..